Les bénéfices de la vidéo utilisée dans les stratégies de communication ou de marketing digital ne restent plus à prouver. Les études de ces dernières années nous exposent des chiffres qui d’une part, montrent les performances directement liées à l’utilisation de ce média et, d’autre part, nous apprennent beaucoup sur les pratiques de consommation de l’information en ligne, mais aussi sur les comportements des internautes. Ces chiffres, j’en parle dans un autre article. 
Personnellement cet attrait, qui semble unanime et qui montre des résultats vertigineux, m’a vraiment interrogé. C’est cette analyse très personnelle et portée sur l'essence même de la vidéo ainsi que son impact que je souhaitais partager ici. 

Le mouvement comme composante principale de la vidéo
Notre regard est quotidiennement et sans arrêt sollicité. Même lorsque nos yeux sont clos, des images nous accompagnent. Soit parce qu’on se les visualise, soit parce qu’elles se forment dans la brume fluide de nos pensées. Ces images, ces instantanés, se succèdent et deviennent mouvants. Tout ce qui nous entoure est mouvement, nous faisons nous même partie de ce mouvement. Mouvement capté par le regard, complété par nos autres sens, assimilé par la pensée et transformé par la connaissance. Cette boucle se répète continuellement. L'ensemble des éléments de ce mouvement, dont le décor statique qui fait partie intégrante de l’instantané et qui influe inévitablement dans cette boucle, agglomérés en un ressenti global, procure chez le spectateur une émotion. C’est, à mon sens, cette émotion que l’on pourchasse lorsqu’on visionne un court ou long métrage.

« L'ensemble des éléments de ce mouvement [...] procure chez le spectateur une émotion. »

Visionner des vidéos ne demande pas d’effort : on retrouve le mécanisme regarder-ressentir-interpréter. L'observation, c'est une des premières choses qu'on apprend. C’est facile pour nous puisque qu’on le pratique tous les jours. C’est facile et impactant : nous nous projetons dans la réalité retranscrite ou imaginée dans ces films et, qu’on se l’approprie ou non, cette réalité fictive nous ramène inévitablement à la nôtre. Ça nous dit quelque chose sur notre rapport physique à l’extérieur. C’est là que ça devient intéressant mais non moins complexe car cette expérience, ce visionnage, ne se contente pas de nous procurer de l’émotion. Il nous aura aussi un peu changé, quelque part en nous, en nous faisant penser de telle manière, à telle chose, en nous amenant à agir. Ça aura induit un acte, intellectuel ou mécanique, aussi abstrait ou concret, aussi infime ou important soit-il. Ça nous aura impacté.

L’image nous captive, qu’elle soit en mouvement ou que ce mouvement soit intrinsèque à l’image. On aime passer du temps à regarder fixement le tableau d’un artiste pour ses couleurs, sa composition, mais n’est-ce pas aussi parce qu’il nous amène à imaginer la fluidité d’un drapé, la chorégraphie d'une représentation figurative, la qualité d’exécution de l’oeuvre à travers le mouvement du pinceau sur la toile, matérialisé par le relief de la peinture ? Autrement dit, on l'aime aussi pour sa plasticité, dont le comportement, par définition, n’est pas rigide et passif mais souple et interactif. C'est "la résonance de l'exécution" : un signe qui nous rappelle en permanence l'origine de l'image. Ça nous fascine, nous rend admiratifs. Ça nous captive
Jeff Wall - Milk
Jeff Wall - Milk
Jackson Pollock dans son atelier
Jackson Pollock dans son atelier
David - La Mort de Socrate
David - La Mort de Socrate
Joseph Marioni - Détail de coulure
Joseph Marioni - Détail de coulure
En bref, le mouvement fait partie de nous et de tout notre environnement. Le cinéma utilise l’analyse du mouvement et le reconstitue pour nous procurer des émotions, nous faire passer des messages, qui, à leur tour, nous font agir, par pensée ou par action.

Le rôle du mouvement dans notre appréciation du contenu vidéo en ligne
Face à un public de plus en plus aguerri et, donc, de plus en plus exigeant, couplé à une démultiplication de sites internet et d’offres en ligne, il faut aujourd’hui redoubler d’effort pour, si ce n’est se démarquer, au moins être crédible face aux internautes qui sont de potentiels clients. 
À l’inverse de notre environnement naturel, tout sur Internet est à première vue assez statique. Comment capter alors l’attention de l’internaute ? Comment le stimuler ? Par le mouvement. On fait apparaître une pub, un pop-up, un chatbot, on fait défiler des images. On sait que le mouvement a le pouvoir de nous captiver et c’est l’intention ici. Capter l’attention et ne surtout pas la perdre. Bien que les internautes n’aient globalement pas une vision positive de ces techniques, elles apportent des résultats. Ces formes en mouvement nous invitent à rester plus longtemps sur un site, nous amènent docilement sur un autre, souvent pour nous donner à consommer, de l’information ou des produits. 

« Le mouvement a le pouvoir de captER NOTRE ATTENTION. »

Une grande importance est accordée à l’ergonomie d’un site, à l’UX pour offrir la meilleure des expérience et satisfaire l’internaute. Pour que la navigation soit facile pour lui. Ça fait passer un premier message : on est pro et on prend soin de vous. On veut vous faire passer un moment agréable sur notre site. Qu’en est-il des autres messages ? On dit que sur internet, le temps d’attention moyen est de 8 secondes. Comment faire comprendre une valeur, se présenter, expliquer le fonctionnement d’un produit ou d’un service en 8 secondes ? La solution qui semble la plus aisée est d’écrire, décrire, comme on le ferait dans la vie de tous les jours à une personne qui nous poserait la question. Sauf qu’ici nous n’avons plus que les mots comme outil. On doit donc tenter, par l’assemblage des justes mots de se rapprocher au plus près de la réalité et de ce qu’on veut montrer. En 8 secondes. Et avec des mots visuellement statiques. Moins facile. Pourquoi ? Parce que l’internaute ne cherche pas que l’information présente sur une page. Il s’apprête à consommer du contenu en quantité gargantuesque. Alors, pour notre Gargantua qui est sur le point d’avaler de l’information en masse, qui est sur le point de passer d’un site à l’autre en un mouvement de doigts, pour qui le temps est précieux, rien ne vaudra le spectacle des images en mouvement.

Les vertus du média vidéo 
Bien que les internautes consomment divers types de contenus, la vidéo est devenue aujourd’hui leur média préféré (80% d’entre eux préféreront regarder une vidéo que lire un texte) pour au moins quatre autres raisons fondamentales, que je conçois comme étant des caractéristiques « humanisantes » :

° Le caractère universel des images : la vidéo est accessible contrairement aux mots. Les mots ont ces freins : langage employé, définition, langue et caractères utilisés. Visionne une vidéo en langue étrangère et tu en comprendras, si ce n'est le propos, au moins les grandes lignes. Lis l’article qui accompagne la vidéo et tu n’en viendras sûrement pas aux mêmes conclusions.

° Montrer pour faire exister : un produit en mouvement vaudra mille fois une photo de celui-ci. On pourra en percevoir sa forme, sa dimension, deviner sa texture. On verra les reflets, on se projettera dans l’individu qui l’utilise, le manipule. L’objet deviendra plus réel. Le voir utilisé le fait exister. On parle d’objet mais il en adviendra de même d’une personne filmée : on capte la tonalité de sa voix, on voit sa gestuelle, on devine un brin de sa personnalité. 

° La vidéo pour humaniser : à force d’utiliser des machines on a une tendance à en devenir nous-même, des machines. N’est-ce pas réconfortant de voir le vrai visage d’une équipe derrière le nom d’une entreprise ? De les entendre incarner leurs valeurs ?

° Attirer la confiance : proposer des vidéos c’est une sorte de mise à nue. Le fait de se montrer, de montrer ses produits, son équipe, demande du cran. Le cran de dire « j’ai confiance en mon équipe, mes produits, et je vous fais confiance pour en percevoir leur authenticité et leur efficacité ». Faire confiance, c’est la meilleure manière de susciter à son tour la confiance du spectateur. 


Pour résumer,
la vidéo, par son analyse du mouvement, nous captive, nous procure des émotions et nous impacte, le tout par un processus qui nous est facile. Elle apporte un caractère humanisant à tout contenu en ligne et une qualité primordiale : la confiance. L’existence de plateformes dédiées à la vidéo favorise et fait augmenter de manière exponentielle la consommation de ce média (Youtube est le deuxième site le plus visité après Google). 

Pourquoi alors, me diras-tu, ne me suis-je pas contenté de réaliser une vidéo pour exprimer le fond de ma pensée sur ce sujet, dont je vends les mérites ? Parce que le portrait de l’internaute dépeint dans cet article n’est pas universel. Parce qu’heureusement, il existe des individualités, dont les boulimiques du phrasé, et qu’à titre personnel, je suis persuadée de l’impact de la vidéo et je recherche partout la beauté de l’image, mais je n’en délaisse pas moins la plus vieille forme de transmission de la pensée. Je pense qu’il faut tenir compte de ces individualités et proposer du contenu varié, qui nous correspond, tout en restant attentifs et en s’adaptant aux exigences contemporaines qui demandent, pour performer, d'utiliser la vidéo pour transmettre de l’émotion, de l’authenticité, de l’humanité, du mouvement.


Sources :
Gilles Deleuze, Cinéma 1. L’image-mouvement (Les éditions de minuit), cours donnés à Paris VIII en ligne : http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/rubrique.php3?id_rubrique=8
Guillaume Cassegrain, La Coulure, Histoire(s) de la peinture en mouvement (Hazan)

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